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samedi 18 août 2012

Tous Les outils du raisonnement en chimie organique


Cours de chimie Organique -



Les outils du raisonnement en chimie organique
Orbitales moléculaires
Introduction
Théorie des orbitales moléculaires
L'approximation orbitale est basée sur deux hypothèses :
  • la fonction d'onde Y décrivant le comportement de tous les électrons est un produit de fonctions d'onde monoélectroniques, appelées orbitales moléculaires (om) ; si l'on désigne par N, le nombre d'électrons :
  • l'hamiltonien, total du système est la somme d'hamiltoniens monoélectroniques qui n'agissent que sur un seul électron i. Cela revient à négliger les termes d'interaction électronique.
Chaque énergie est solution d'une équation de Schrôdinger relative à un hamiltonien monoélectronique dont ji est une fonction propre.
L'énergie totale de la molécule est donc la somme des énergies associées à chaque orbitale moléculaire en tenant compte du nombre d'électrons ni sur le niveau d'énergie Ei (il peut valoir : 0, 1 ou 2.)
Dans la méthode LCAO (linear combination of atomic orbitals) les orbitales moléculaires ji sont construites à partir d'une combinaison linéaire des orbitales atomiques cm des n atomes isolés. Plus le nombre d'orbitales atomiques utilisé est élevé, meilleure est l'approximation. Comme les électrons des couches profondes ne sont pas impliqués directement dans la formation des liaisons, on limite généralement le développement aux seules orbitales de la couche de valence. L'avantage de cette façon d'envisager le problème est de mettre à profit la linéarité de l'équation de Schrödinger. Notons que cette méthode respecte la démarche habituelle qui consiste à construire les molécules à partir d'un assemblage d'atomes ;
ces orbitales moléculaires ji sont normées ; la condition de normalisation s'écrit :

Posons :
Smn est appelée intégrale de recouvrement. Une fois les hypothèses posées, il s'agit de déterminer les coefficients Cim des orbitales atomiques ainsi que l'énergie Ei associée à chaque orbitale moléculaire.
  • Hmm s'appelle intégrale coulombienne. Puisque :
    cette grandeur est proche de l'énergie d'un électron occupant l'orbitale atomique cm dans l'atome isolé ;
  • Hmn est appelée intégrale de résonance (ou intégrale d'échange).
L'expression mathématique de la valeur moyenne de l'énergie à minimiser est :
Soit, compte tenu de la combinaison des orbitales atomiques :
On va utiliser une méthode variationnelle. D'après le théorème des variations, l'énergie réelle du système est inférieure à toute énergie calculée à partir d'une fonction d'onde approchée. Puisque la décomposition de la fonction d'onde comme combinaison linéaire est une solution approchée du problème, on obtiendra la solution optimale en écrivant que l'énergie doit être minimale vis à vis des coefficients Cin. Cela se traduit par :
Ei est de la forme u/v. Ce quotient est extremum pour udv - vdu = 0. On a donc :
On en déduit une valeur optimisée de l'énergie Ei de chaque orbitale moléculaire ji :
Les coefficients du développement de l'orbitale moléculaire ji sont les solutions des n relations suivantes pour chaque valeur de n = 1, 2, ..., n ; cela correspond à un système linéaire de n équations dont les Cim sont les n inconnues. Le système d'équations relatif à chaque orbitale moléculaire s'écrit :
Méthode de Hückel simple
Cette approximation de la théorie des orbitales moléculaires a été introduite par le théoricien allemand E. Hückel en 1931. Elle est connue sous le nom de méthode HMO (Hückel Molecular Orbital). La méthode n'est utilisable en toute rigueur que pour les molécules planes car la notion d'orbitale moléculaire de type p ne possède un sens précis que dans ce cas. D'autre part on s'intéresse uniquement au système des électrons p en partant de l'idée que les orbitales s ont une énergie beaucoup plus basse que celle des orbitales p. On admet alors, en première approximation, que les électrons p se déplacent dans un champ moyen créé par les noyaux et les électrons s du squelette non polarisable de la molécule. Dans ce qui suit on notera cm les orbitales p des atomes de carbone du squelette, qui sont perpendiculaires au plan de la molécule.
Les approximations de Hückel consistent à poser :

Ces approximations sont résumées, avec les notations usuelles, dans le tableau ci-dessous :
Hmm
Hmn
Hmn
Smn
a
b (atomes liés)
0 (atomes non liés)
dmn
L'approximation la plus radicale de la méthode (HMO) consiste à négliger l'intégrale de recouvrement entre les atomes liés. Notons que le recouvrement est pris en compte dans la méthode de Hückel étendue (EHMO).
Il est important de se rappeler que les intégrales a et b sont toutes les deux négatives. Dans le cadre de l'approximation précédente, le système des équations s'écrit :

ce système homogène possède des solutions nulles comme solutions triviales. Il possèdera des solutions autres que nulles à condition que :

Les inconnues Ei n'apparaissent donc que dans la diagonale principale du déterminant, ce qui facilite son calcul.
La condition de normalisation se réduit à :
On pose en général :
xi = (a - Ei)/b

Examinons le cas de l'éthène.
Molécule d'éthène
La molécule possède deux atomes de carbone numérotés 1 et 2. Chaque orbitale atomique p est perpendiculaire au plan xOy de la molécule et elle est dirigée suivant z. Le système d'équations relatif à une orbitale moléculaire ji s'écrit :

(1) Ci1xi + Ci2 = 0
(2) Ci1 + Ci2xi = 0
le déterminant doit être nul :
xi2 - 1 = 0
il y a deux solutions, une pour chaque orbitale moléculaire :
x1 = -1 et x2 = 1
remplaçons successivement xi par les valeurs précédentes dans les équations (1) et (2).
  • solution x1 = -1, on a le système suivant :
    (1') C11x1 + C12 = 0
    (2') C11 + C12x1 = 0

    (1') et (2') conduisent l'une et l'autre à :
    C11 = C12
  • solution x2 = 1, on a un autre système :
    (1") C21x2 + C22 = 0
    (2") C21 + C22x2 = 0

    (1") et (2") conduisent l'une et l'autre à :
    C21 = -C22
La condition de normalisation permet de déterminer dans chacun des cas les valeurs numériques des coefficients :
C112 + C122 = 1
C212 + C222 = 1
Le tableau suivant regroupe les valeurs numériques des coefficients :
Energie
Ci1
Ci2
E1 = a + b
0,707
0,707
E2 = a - b
0,707
-0,707

Les orbitales moléculaires p et p* ont respectivement pour expression :
j1 = 0,707 c 1 + 0,707 c 2
j2 = 0,707 c 1 - 0,707 c 2
Le schéma ci-dessous représente ces om ainsi que leur énergie.
  • l'énergie correspondant à l'orbitale moléculaire p (fonction d'onde j1) est plus petite que celle des atomes de départ. Il s'agit d'une orbitale moléculaire liante. On remarque que les orbitales atomiques des atomes interagissent en phase ;
  • l'énergie correspondant à l'orbitale moléculaire p* (fonction d'onde j2) est plus grande que celle des atomes de départ. Il s'agit d'une orbitale moléculaire antiliante. On remarque que les orbitales atomiques des atomes interagissent en opposition de phase ;
L'écart énergétique entre le niveau antiliant et le niveau de départ est le même que l'écart entre celui-ci et le niveau liant. Ce résultat vient du fait que le recouvrement est négligé.
Dans la méthode HMO, les intégrales de recouvrement entre atomes différents sont toutes nulles. Pour caractériser la population de recouvrement, C. A. Coulson a proposé d'introduire la notion d'indice de liaison p :

ni est le nombre d'électrons décrit par l'orbitale ji. La somme est étendue aux M orbitales occupées. Dans le cas de l'éthène, on obtient :
Pmn = 1
cela est bien en accord avec un ordre de liaison total égal à deux pour la molécule.
La présence d'hétéroatomes, dans le système conjugué est prise en compte grâce à des modèles semi-empiriques.

Atome ou groupe d'atomes
Nombre d'électrons
Intégrale coulombienne
Intégrale de résonance
azote
2
a N = a + 1,5 b
b CN = 0,8 b
oxygène
2
a O = a + 2 b
b CO = 0,8 b
chlore
2
a Cl = a + 2 b
b CCl = 0,4 b
CH3 (modèle hétéroatomique)
2
a Me = a + 2 b
b CMe = 0,7 b
Méthode de Hückel étendue
Cette méthode a été proposée par R. Hoffman. Elle est basée sur les approximations suivantes :

Le schéma ci-dessous représente ces orbitales moléculaires ainsi que leur énergie relative.

Il est important de noter que l'écart énergétique entre le niveau antiliant et le niveau de départ est plus grand que l'écart entre celui-ci et le niveau liant. La méthode EHMO donne ainsi un résultat plus fidèle à la réalité que la méthode HMO dans laquelle le recouvrement n'est pas pris en considération.
Perturbations
Nous nous limiterons aux principaux résultats dans les cas les plus simples. Les calculs sont développées aux références :
[21] et [22]
Interaction entre deux om dégénénérées

Interactions entre deux om non dégénérées

Méthode de la résonance
L. Pauling a été le principal promoteur de la théorie de la résonance dans les années 1930. Dans cette méthode, encore appelée méthode de la mésomérie, les noyaux sont supposés fixes (comme dans l'approximation de Born-Oppenheimer). La notion de doublet électronique localisé entre deux atomes subsiste mais cette localisation n'existe que dans certaines formes limites appelée formes limites mésomères. Celles-ci n'ont pas existence réelle. La molécule est un hybride de résonance entre les formes limites, chacune intervenant avec un certain poids statistique.


Les différentes formes mésomères ne possèdent pas la même importance dans la description de la molécule réelle. On peut classer ces formes selon leur poids statistique de la manière suivante. Les formes qui contribuent le plus à la structure réelle sont celles qui :
  • présentent le plus possible de liaisons covalentes ou ce qui revient au même le moins de séparation de charges ;
  • lorsque des charges apparaissent la distance entre elles dans la molécule est la plus grande possible ;

  • lorsque des charges apparaissent celles-ci doivent être autant que possible en conformité avec l'électronégativité de l'atome correspondant.

Approximation des orbitales frontières
Dans ce qui suit, on désignera par HO, la plus haute orbitale moléculaire occupée (en énergie) de l'un des réactifs et par BV la plus basse orbitale moléculaire vacante de l'autre. En anglais, ces orbitales sont notées respectivement HOMO (highest occupied molecular orbital) et LUMO (lowest unoccupied molecular orbital).


Exemple de la molécule d'éthène
Les orbitales frontières de la molécule d'éthène dans le cadre de la méthode de Hückel simple :
  • la plus haute orbitale occupée (HO) est l'orbitale p
    j 1 = 0,707 c 1 + 0,707 c 2
  • la plus basse orbitale vacante (BV) est l'orbitale p*
    j 2 = 0,707 c 1 - 0,707 c 2
    .
Envisageons maintenant l'interaction entre deux molécules.
  • les interactions entre om remplies sont des interactions à 4 électrons déstabilisantes ;
  • les interactions entre om non occupées sont non stabilisantes ;
  • les seules interactions stabilisantes (interactions à deux électrons) sont celles entre om remplie d'un réactif et om vide de l'autre réactif.
L'approximation de Fukui (prix Nobel de chimie en 1981 conjointement avec R. Hoffmann.) consiste à ne prendre en compte que les interactions entre les orbitales frontières des réactifs.

Pourquoi les orbitales frontières ont-elles un tel intérêt ? On peut le comprendre en examinant le diagramme énergétique ci-dessous.
Le calcul montre que la stabilisation énergétique de l'om liante résultant de l'interaction entre les deux om notées (1) et (2) peut se mettre sous la forme :
Elle est d'autant plus élevée que :
  • le numérateur est plus grand ce qui correspond à un recouvrement élevé ; ainsi les interactions entre les électrons décrits par des orbitales des couches profondes peuvent être négligées car celles-ci ont un nuage électronique contracté autour du noyau ;
  • le dénominateur est d'autant plus petit ; c'est à dire que les énergies des orbitales sont plus proches ; on pourra donc négliger les interactions entre orbitales d'énergies très différentes.
  • Lorsque les molécules ne sont pas identiques les énergies de leurs orbitales frontières sont différentes.
    L'interaction dominante est celle qui implique les OF dont l'énergie est la plus proche
    Dans l'exemple ci-dessous, il s'agit de l'interaction entre HO1 et BV2 schématisée en trait plein sur la figure.
    On a vu précédemment que dans l'approximation des orbitales frontières, la stabilisation énergétique résultant de l'interaction entre HO et BV peut se mettre sous la forme :
    La stabilisation sera d'autant plus grande que :
    • SHO,BV est plus élevée ; ce fait traduit le principe du recouvrement maximum ;
    • la différence d'énergie EHO -EBV est plus petite.
    Exemple : l'expérience montre que la cyclodimérisation de l'éthène est impossible par voie thermique.
    Afin de rationaliser ce résultat, plaçons côte à côte les orbitales frontières des molécules A et B susceptibles d'interagir entre-elles.
    On constate que l'approche des orbitales frontières des deux molécules conduit à un recouvrement frontalier globalement nul si cette approche est du type supra-supra des deux molécules.
    En revanche, elle est possible par voie photochimique.
    Par irradiation, un des électrons de la molécule A peut être promu à un niveau d'énergie supérieur (HO*).
    L'interaction entre HO* d'une molécule (A) et BV de l'autre molécule (B) devient possible.
    Autre exemple étudié dans le chapitre sur les systèmes conjugués : la cycloaddition entre l'éthylène et le buta-1,3-diène ou réaction de Diels-Alder est permise par voie thermique.
    Complément : Equation de Klopman-Salem
    Désignons par r et s les atomes qui interagissent lors de l'approche des réactifs R et S avec formation d'un adduit RS. La méthode des perturbations appliquée au système au début de la réaction permet de calculer la différence d'énergie entre RS et R + S. Elle se présente sous la forme de la somme de trois termes :
    D E : énergie d'interaction ;
    qr, qs : charges des atomes r et s respectivement ;
    G : terme de répulsion coulombienne (dépend de la distance entre les charges) ;
    e : constante diélectrique du milieu ;
    D Esolv : énergie de solvatation ;
    Crm, Csn : coefficients pour l'atome r (resp s) dans l'orbitale moléculaire m (resp n) ;
    b : intégrale d'échange (intégrale de résonance) décrivant la formation d'une liaison de covalence entre r et s dans l'état de transition ;
    Em : énergie de la plus haute orbitale occupée du donneur (HO) ;
    En : énergie de la plus basse orbitale vacante de l'accepteur (BV).
    Les deux premiers termes traduisent une interaction entre les charges des particules réagissantes tandis que le deuxième terme correspond à l'interaction entre les orbitales frontières du donneur et de l'accepteur. On peut distinguer deux situations limites :
    • la différence d'énergie entre les orbitales frontières du donneur et de l'accepteur est grande (En- Em >> 4b 2), les deux premiers termes prédominent. On dit que la réaction est sous contrôle de charge (en anglais : charge controlled).
    • la différence d'énergie entre les orbitales frontières du donneur et de l'accepteur est faible Le troisième terme prédomine devant les deux autres. On dit que la réaction est sous contrôle orbitalaire (en anglais : frontier controlled).
    Cycloadditions
    Voir :
    [21] et [22]
    Hyperconjugaison
    L'hyperconjugaison consiste en l'interaction entre un nuage électronique de symétrie s et un système de type p ou p.

    Examinons à titre d'exemple l'interaction entre des électrons d'une liaison s (C-H) et une orbitale p vide. En termes d'orbitales moléculaires, le phénomène peut être décrit par le diagramme suivant.
    La méthode des perturbations permet de montrer que l'énergie de stabilisation Es est proportionnelle à l'intégrale de recouvrement S et inversement proportionnelle à l'écart d'énergie DE entre les niveaux impliqués.
    Plusieurs phénomènes s'interprètent en termes d'hyperconjugaison :
    Effets electroniques
    Electronégativité
    L'électronégativité est une grandeur caractérisant l'aptitude d'un atome à conserver ses électrons de valence et à attirer les électrons de ses partenaires. Il existe plusieurs manières de définir l'électronégativité :

    • l'échelle de Pauling est basée sur les énergies de dissociation de liaison (grandeurs thermochimiques) ;
    • l'échelle de Mulliken est basée sur l'énergie d'ionisation et l'affinité électronique des atomes.
    Tableau des électronégativités (échelle de Pauling)
    H : 2,1
    -
    -
    -
    -
    -
    -
    Li : 0,98
    Be : 1,57
    B : 2,04
    C : 2,55
    N : 3,04
    O : 3,44
    F : 3,98
    Na : 0,93
    Mg : 1,31
    Al : 1,61
    Si : 1,90
    P : 2,19
    S : 2,58
    Cl : 3,16
    K : 0,82
    Ca : 1,00
    Ga : 2,01
    Ge : 2,01
    As : 2,18
    Se : 2,55
    Br : 2,96
    Rb : 0,82
    Sr : 0,95
    In : 1,78
    Sn : 1,96
    Sb : 2,05
    -
    I : 2,66
    Il est commode d'étendre la notion d'électronégativité à celle de groupes d'atomes.
    Groupe
    H
    CH3
    C2H5
    NH2
    CCl3
    Ph
    CN
    OH
    NO2
    Electronégativité (Pauling)
    2,1
    2,3
    2,3
    2,8
    3,0
    3,0
    3,3
    3,4
    3,4
    Atome de carbone
    tétragonal
    trigonal
    digonal
    Electronégativité (Pauling)
    2,48
    2,75
    3,30
    Moment dipolaire
    Le moment dipolaire m d'un composé est une grandeur physique qui peut être mesuré expérimentalement à partir de la permittivité relative de la substance er , et de la densité. Le moment dipolaire m trouve son origine dans l'existence de liaisons partiellement polarisées dans la molécule. Dans la molécule de chlorométhane représentée ci-dessous, la polarisation de la liaison C-Cl s'interprète par la différence
    d'électronégativité entre les atomes C et Cl. Les liaisons C-H, ne sont pratiquement pas polarisées. La liaison C-Cl se comporte comme un petit dipôle et il est commode de considérer que les atomes C et Cl ont acquis respectivement une charge q = d e et -q = -d e. On représente en général les charges partielles en unité atomique sur les atomes constituant la liaison : d + et d - respectivement. Conformément aux conventions le moment dipolaire est représenté par un vecteur orienté de la charge négative vers la charge positive.

    Lorsqu'une molécule possède plusieurs liaisons polarisées, il est commode d'attribuer aux liaisons entre hétéroatomes des moments dipolaires de liaison car l'expérience montre que ces grandeurs sont quasiment caractéristiques des liaisons et sont donc transférables d'une molécule à une autre.

    Les moments dipolaires de liaison sont facilement accessibles à partir du moment dipolaire des molécules diatomiques. Pour les molécules polyatomiques, le moment dipolaire d'une molécule est calculé en effectuant la somme des moments dipolaires de liaisons. L'unité usuelle de moment dipolaire est le Debye (D) 1 D = 3,33.10-30 C.m ; bien que n'appartenant pas au système international, cette unité est largement utilisée. Elle a été introduite en souvenir du physico-chimiste néerlandais Peter Debye (prix Nobel de chimie 1936) qui s'illustra dans de nombreux domaines de la physique et de la chimie. Moments dipolaires de quelques liaisons simples (D)

    Liaison
    C-H
    Cl-C
    I-C
    N-C
    O-C
    F-H
    I-H
    m (D)
    0,4
    1,46
    1,19
    0,22
    0,74
    1,82
    0,44
    La mesure du moment dipolaire permet de distinguer certains isomères :
    Composé
    m (D)
    0
    1,3
    1,9
    Polarisabilité
    On appelle polarisabilité la propriété physique associée à la création dans une molécule, d'un moment dipolaire induit mi sous l'action du champ extérieur. La polarisabilité est un phénomène dynamique. Le moment dipolaire induit s'annule lorsque la cause qui lui a donné naissance a disparu.

    Désignons par E*, le champ ressenti par la molécule dans le milieu où elle se trouve (champ électrique augmenté du champ local de Lorentz [17]).
    On peut comme pour le moment dipolaire, définir des polarisabilités de liaison. La polarisabilité dépend de plusieurs facteurs :
    • elle est d'autant plus élevée que les atomes impliqués sont plus volumineux car les électrons de liaison échappent plus facilement au contrôle exercé par le noyau ;
    • elle augmente avec la longueur de la liaison.
    Composé
    C-Cl
    C-Br
    C-I
    Longueur C-X (pm)
    178
    193
    214
    Moment dipolaire m (D)
    1,94
    1,79
    1,64
    Polarisabilité relative
    1
    1,4
    2,2
    Effet inductif
    La polarisation d'une liaison est due à la différence
    d'électronégativité des atomes liés. Elle se caractérise notamment par l'existence d'un dipôle permanent. Ce dipôle peut induire à son tour une polarisation dans une liaison adjacente polarisable. La transmission de la polarisation à travers des liaisons s par le mécanisme précédent s'appelle "effet inductif".
    Les effets inductifs peuvent être classés en deux catégories selon la valeur de leur électronégativité c par rapport à celle de l'atome de carbone (2,5) :
    • c > 2,5 effet - I ;
    • c < 2,5 effet + I.
    + I forts
    + I faibles
    -I forts
    -I faibles
    -NH2 , -NHR ,
    -NR2,
    -NHCOR, -O-
    alkyle
    -NO2, -CN, -NH3+, -CF3, -N+R3
    -CO2H, -CO2R,
    -COR -SO3H
    -F, -Cl , -Br , -I, phényle, -OH, -OCH3
    Les effets inductifs se transmettent à travers les liaisons grâce à leur polarisabilité mais ils s'amortissent assez rapidement lorsqu'il n'y a que des liaisons simples car les électrons s sont peu polarisables (ils assurent avant tout la liaison chimique). Au-delà de trois liaisons simples un effet inductif ne se manifeste pratiquement plus. Les effets inductifs sont additifs. Effet mésomère
    Lorsqu'on examine la valeur des moments dipolaires descomposés ci-dessous, on constate que le composé aromatique nitré possède un moment dipolaire plus grand que le dérivé saturé correspondant tandis que pour les dérivés fluorés c'est l'inverse.

    Composé
    m (D)
    3,7
    4,2
    Composé


    m (D)
    1,9
    1,6
    Ces résultats ne peuvent s'expliquer en considérant seulement les effets inductifs.
    Le fluor donne des électrons au cycle. Il s'agit d'un effet donneur.
    Le groupe nitro accepte des électrons de la partdu cycle. Il s'agit d'un effet attracteur.
    Dans le cas de la molécule de nitrobenzène, l’effet inductif et l’effet mésomère vont dans le même sens, la molécule a un moment dipolaire plus grand que celle de nitroéthane. Dans le cas de la molécule de fluorobenzène, l’effet mésomère et l’effet inductif sont antagonistes. La molécule a un moment dipolaire plus petit que celui de la molécule de fluoroéthane.
    D'une façon générale, lorsque l'effet mésomère et l'effet inductif sont antagoniste, l'effet mésomère l'emporte sur l'effet inductif. Les types fondamentaux de réaction
    Définitions
    Lorsque deux entités réagissent, il est commode de distinguer le substrat (étymologiquement : sur lequel se déroule le processus) et le réactif. Le substrat est la molécule organique qui "subit l'attaque" du réactif. Lorsque l'une des entités est inorganique, c'est par convention le réactif. Naturellement, il existe une certaine ambiguité lorsque les deux partenaires sont organiques et l'on raisonne alors par analogie. La conversion d'un substrat en un produit particulier indépendamment de la nature des réactifs mis en jeu est une transformation.
    La distinction entre substrat et réactif doit être maniée avec précautions mais elle a une certaine importance pour le classement des réactions et de leurs mécanismes. En effet celles-ci sont nommées selon deux critères :

    Réactif
    électrophile
    nucléophile
    aspect thermodynamique
    aspect cinétique
    réactivité rapide vis à vis des zones de faible densité électronique
    réactivité rapide vis à vis des zones de forte densité électronique
    Remarque : le terme réactant (en anglais : "reactant") désigne un corps qui est consommé au cours d'une réaction chimique.
    Classement
    La terminologie du classement des réaction est due à Ingold. On distingue neuf types fondamentaux.

    Additions
    Substitutions
    Eliminations
    électrophile AE
    nucléophile AN
    radicalaire AR
    électrophile SE
    nucléophile SN
    radicalaire SR
    électrophile EE
    nucléophile EN
    radicalaire ER
    Exemples : réaction de substitution nucléophile ;
    autres exemples :

    Intermédiaires réactionnels
    Les carbocations

    Introduction
    Les carbocations sont des ions positifs du carbone il existe deux familles :

    La première mise en évidence d'ions carbéniums a été faite par Norris et Kehrmann en 1901, c'est à dire un an après la découverte du radical triphénylméthyle par Gomberg. C'est le cation triphénylméthyle (carbocation trityle). Les carbocations peuvent être synthétisés à partir de dérivés halogénés en milieu superacide.
    Les carbocations interviennent généralement comme intermédiaires réactionnels. Ce sont des espèces fugaces et leur durée de vie très courte nécessite l'utilisation de technique spéciales d'étude. Parmi celles-ci la spectroscopie de RMN en milieu superacide a été développée par le chimiste américain d'origine hongroise G. Olah. Ses travaux sur la chimie des carbocations ont permis de développer plusieurs concepts nouveaux comme ceux d'ions non classiques et d'atome de carbone hypercoordiné. Ils ont été couronnés par l'attribution du prix Nobel de chimie en 1994. Quelques carbocations ont une durée de vie suffisante pour pouvoir être observés et conservés en solution à la température ambiante.
    Structure et stabilité des carbocations
    La réaction suivante, réalisée en phase gazeuse a été utilisée pour évaluer la stabilité des carbocations. Cela revient à prendre le cation éthyle comme référence des enthalpies libres standard.

    On constate l'ordre de stabilité suivant :
    Carbocation
    DrG0 (kJ.mol-1)
    CH3CH2+
    0
    CH3CH2CH2+
    -25
    (CH3)2CH+
    -92
    (CH3)3C+
    -167
    D'une façon très générale, on observe l'ordre de stabilité suivant :
    Cet ordre peut être interprété par l'existence de formes hyperconjuguées en nombre d'autant plus important que la classe du carbocation est élevée.
    En termes orbitalaires,
    l'hyperconjugaison peut être décrite comme l'interaction entre une orbitale moléculaire s (C-R) décrivant deux électrons et une orbitale pz vide.
    Lorsqu'on passe du dérivé de l'adamentane (I) au cation (II), l'hyperconjugaison se manifeste par un raccourcissement de la liaison C(+) - C et un allongement de la liaison C - C adjacente.
    Les carbocations allyliques sont stabilisés par résonance.
    On interprète de la même façon la stabilité des carbocations benzyliques.
    Certains cations doivent leur stabilité relative à leur caractère aromatique. C'est le cas du cation cyclopropénium.
    Les ions acylium sont stabilisés par la présence d'un hétéoatome adjacent.
    Les ions halonium sont des intermédiaires très réactifs. Du fait de la plus petite taille de l'atome de chlore par rapport à l'atome de brome, les ions chloronium sont en équilibre avec le carbocation ouvert.
    Les complexes s encore appelés intermédiaires de Wheland sont des carbocations stabilisés grâce à la conjugaison du sycle aromatique.
    Intervention des carbocations dans les mécanismes

    Les carbocations interviennent dans de nombreux mécanismes :
    Transposition de Wagner-Meerwein
    A l'origine, cette transposition a été mise en évidence par Wagner. Il s'agissait de la réaction permettant de passer du chlorhydrate de camphène (I) au chlorure de bornyle (II).

    H. Meerwein montra que la vitesse de la réaction augmente avec la constante diélectrique du solvant et aussi en présence d'acides de Lewis comme AlCl3 ou SbCl5.
    Le mécanisme de la réaction fait intervenir un carbocation qui subit une réaction de transposition.
    En fait, une analyse fine de la stéréochimie des produits obtenus lors de la transposition de Wagner-Meerwein, montre que la situation est, plus compliquée. On peut rationaliser les résultats expérimentaux en faisant intervenir deux carbocations non classiques.
    Chaque fois que des carbocations sont générés dans une réaction, on observe ce type de transposition. Exemples :
    Application : préparation de l'adamentane

    Adamentane
    L'adamentane est le tricyclo [3,3,1,1] décane. A la température ordinaire, ce composé se présente comme un solide cristallin de couleur blanche, de point de fusion élevé (> 210 °C). Du point de vue structural, la molécule peut être regardée comme résultant de la fusion de quatre cycles de type cyclohexane en conformation chaise. Les angles entre toutes les liaisons sont ceux qu'on observe dans un tétraèdre régulier d'où l'absence de contrainte interne dans la molécule.
    La synthèse de Paul von R. Schleyer prend comme point de départ le produit d'hydrogénation catalytique du dicyclopentadiène lui même obtenu par addition de Diels-Alder du cyclopentadiène sur lui même.
    Ce composé est ensuite mis à réagir avec du chlorure de tertiobutyle et du chlorure d'aluminium comme catalyseur. Il subit une cascade de réactions dont le bilan est résumé ci-dessous.
    Le principe de cette synthèse est le suivant : en présence de chlorure d'aluminium qui est un acide de Lewis, le chlorure de tertiobutyle forme un carbocation.
    Ce carbocation réagit avec l'hydrocarbure pour fournir un nouveau carbocation par arrachage d'un atome d'hydrogène.

    Ce carbocation subit une série d'isomérisations qui aboutissent au produit le plus stable : l'adamentane. Participation d'un groupement voisin
    On s'intéresse aux vitesses d'acétolyse des composés suivants.

    Composé
    Vitesse relative
    1
    104
    1011
    Des deux stéréoisomères, celui qui réagit le plus rapidement est le troisième. Par ailleurs, dans le produit obtenu, on constate que le nucléophile se place au même endroit que le nucléofuge. Il y a rétention de la configuration.
    On interprète ces résultats par la formation d'un intermédiaire ponté non classique. Lors de la formation de l'intermédiaire, la double liaison assiste le départ du nucléofuge. On dit qu'il y a eu assistance anchimère du grec ankura : ancre (en anglais : anchimeric assistance ou neighboring group participation).
    La réaction du carbocation avec le nucléophile a lieu de façon préférentielle du côté opposé au pont ce qui explique la rétention de configuration observée.
    Un autre exemple intéressant concerne la réaction de composés comme le 3-phényl-2-chlorobutane dans lesquels un groupe phényle est situé en b de l'halogène. L'acétolyse du composé de configuration absolue (2S, 3S) conduit à un mélange racémique. On interprète la perte de la chiralité par la formation d'un intermédiaire possédant un plan de symétrie.
    Le groupe phényle assiste le départ du nucléofuge. L'intermédiaire obtenu est un cation phénonium dans lequel la charge positive est délocalisée. Il s'agit d'un autre exemple d'assistance anchimère.
    On notera l'analogie entre les cations phénonium et les intermédiaires de Wheland rencontrés dans les réactions de substitutions électrophiles aromatiques.
    Carbocations non classiques
    L'étude de la solvolyse des benzènesulfonates d'exo-norbornyle (I) et d'endo-norbornyle (II) a été faite par le chimiste d'origine canadienne Saul Winstein (UCLA) à partir de 1949. Les résultats expérimentaux sont les suivants :

    L'analyse de ces résultats a conduit Winstein à l'idée que l'ionisation du composé exo est assistée par les électrons liants de la liaison C1-C6.
    On obtient ainsi un ion "non classique" pour lequel la charge positive est délocalisée sur les atomes de carbone 1, 2, 6. Cet ion possède un plan de symétrie passant par les atomes de carbone C4, C5, C6. Il est donc achiral.
    On explique ainsi la formation d'un mélange racémique lors de l'acétolyse de I (ou de son énantiomère) car l'attaque des atomes de carbone C1 et C2 est équiprobable. De plus on obtient un acétate exo car la réaction de l'ion acétate s'effectue du côté opposé au pont. En revanche, l'ionisation du composé endo pour donner l'ion non classique n'est pas assistée. Elle est donc moins rapide. Pour plus de détails on pourra consulter [21].
    Le cation norbornyle peut être préparé en milieu superacide et son étude par spectroscopie de RMN a été effectuée.
    Aux températures inférieures à -158 °C, le spectre RMN a l'allure suivante.
    Déplacement chimique (ppm)
    Intensité
    Attribution
    6,75
    2 H
    C1, C2
    3,17
    2 H
    C6
    2,82
    1 H
    C4
    2,13
    4 H
    C3 , C7
    1,37
    2 H
    C5
    Interprétation de Brown, équilibre entre deux carbocations classiques.
    Une synthèse du longifolène due à W. S. Johnson met en jeu un carbocation non classique.
    Cette étape est analogue à la réaction de Lucas.
    NaBH3CN est un hydrure de la même famille que le tétrahydroborate de sodium NaBH4 permettant la réduction douce du cation.
    Les carbanions
    Introduction
    On prépare ainsi beacoup d'organolithiens et en particulier le butyllithium.
    Stabilité des carbanions
    L'acidité croit avec le degré de caractère s.

    Atome de carbone
    tétragonal
    trigonal
    digonal
    pKa
    Composés organosodiques Les composés organosodiques et organopotassiques peuvent être obtenus pas réaction entre un halogénure d'alkyle et le sodium.
    Les dérivés alkylés les plus simples sont des composés extrêmement réactifs. Ils réagissent sur l'eau avec explosion en donnant un dégagement de dihydrogène. Les termes les plus simples ne sont guère utilisés en synthèse en raison d'une trop grande réactivité basique et nucléophile. Ils réagissent par exemple rapidement sur le substrat qui a servi à les préparer et on observe des réactions de substitution (réaction de Wurtz) et d'élimination.
    Les organosodiques et les organopotassiques attaquent rapidement les éthers comme l'éthoxyéthane en provoquant des réactions d'élimination et la plupart du temps, on les prépare en utilisant un hydrocarbure comme solvant.
    A côté des organosodiques proprement dits, les composés dans lesquels la charge négative est stabilisée par délocalisation peuvent être obtenus assez facilement par métallation de la liaison C-H de l'hydrocarbure correspondant avec une base suffisamment forte. Ce sont des sels de sodium dont l'anion est le carbanion formé à partir de l'hydrocarbure.
    Un hydrocarbure comme le fluorène (pKa = 23) est suffisamment acide pour pouvoir être déprotoné par l'ion hydroxyde dans le DMSO. On obtient alors un sel de sodium dans lequel l'anion est le carbanion fluorényle.
    DMSO Le DMSO est un solvant dipolaire aprotique de permittivité relative élevée (er = 49) entraînant une bonne dissociation des paires d'ions. Son moment dipolaire élevé (m = 4,3 D) et une charge négative dégagée sur l'atome d'oxygène, lui permettent de solvater les ions Na+ de façon efficace (cette solvatation a été mise en évidence en RMN). Dans ce solvant, le caractère basique de l'ion OH- est fortement exalté. En solution dans le DMSO, l'ion OH- permet de déprotoner quantitativement le cyclopentadiène (pK = 15) ce qui est utilisé dans la synthèse du ferrocène. Le DMSO traverse très facilement la peau. Il faut porter des gants pour le manipuler.

    Un mélange d'hydroxyde de sodium en perles et de fluorène sont ajoutés à une petite quantité de DMSO bien sec. Le mélange est agité à la température ambiante. Au bout d'une quinzaine de minutes, on obtient une solution de couleur rouge qui contient l'anion fluorényle. Cet ion est stabilisé par résonance (le cycle central possède un caractère aromatique). La conjugaison est suffisamment étendue pour qu'il absorbe dans la partie visible du spectre.
    Une autre classe d'organosodiques est constituée par les composés d'addition dans lesquels un substrat organique accepte des électrons de la part d'un métal alcalin. Dans cette catégorie, on trouve les radicaux-anions :
    • le naphtalène sodium est un intermédiaire de la réduction de Birch. Il est utilisé pour promouvoir des polymérisations anioniques ;
    • les radicaux cétyles interviennent dans la réduction des cétones aromatiques.
    Carbanions stabilisés
    Parmi les carbanions stabilisés par un groupe fonctionnel les plus importants sont les énolates :

    Un type particulier de carbanion est constitué par les ylures.

    La présence d'un groupe carbonyle stabilise les carbanions La crotonisation des aldols fait intervenir un carbanion dans un mécanisme de type E1Cb. L'aromaticité est également un facteur de stabilisation. Exemple : l'anion cyclopentadiényle
    Les radicaux
    Un radical est une espèce comportant un ou plusieurs électrons non appariés. Le premier radical organique a été mis en évidence par Moses Gomberg en 1900. Il s'agit du radical triphénylméthyle. Le schéma réactionnel utilisé par Gomberg est le suivant :
    En réalité le mécanisme est plus complexe du fait de l'intervention d'un dimère en équilibre avec le radical. Cette réaction est étudiée plus en détail dans le chapitre consacré au radical triphénylméthyle. Un moyen classique d'obtention de radicaux consiste en la rupture homolytique de liaisons. Celle des azoalcanes est favorisée du fait de la formation de diazote très stable.
    Le tableau ci-dessous donne l'énergie de dissociation de liaisons R-H pour la formation de radicaux alkyles.
    Radical
    Do (kJ.mol-1)
    CH3°
    435
    CH3CH2°
    410
    (CH3)2CH°
    397
    (CH3)3C°
    385
    Les radicaux alkyles sont d'autant plus stables que l'atome de carbone est substitué par un plus grand nombre de groupes alkyles.
    Comme pour les carbocations, cette stabilisation peut être rationalisée par l'hyperconjugaison résultant du recouvrement d'une orbitale atomique 2pz et d'une orbitale moléculaire s (C-H) du substituant. Certains radicaux comme le radical triphénylméthyle sont qualifiés de non réactifs car ils peuvent être conservés assez longtemps même à la température ordinaire.
    Cinétique chimique
    Théorie de l'état de transition
    Un complexe activé est une association d'atomes dont l'énergie correspond à un point col sur la surface d'énergie potentielle. L'état de transition thermodynamique est constitué de l'ensemble des complexes activés associés à leurs probabilités de transformation. Notons que beaucoup d'auteurs utilisent sans distinction les termes : complexe activé et état de transition (à l'échelle microscopique dans ce cas). L'état de transition correspond à un état pour lequel le système a une probabilité égale d'évoluer dans le sens direct ou dans le sens inverse.

    L'enthalpie libre molaire de référence de l'état de transition est la somme de l'enthalpie libre molaire des réactifs et de l'enthalpie libre d'activation de référence (le symbole typographique utilisé en exposant se lit "double dague".)
    La constante de vitesse k de la réaction est liée à l'enthalpie libre d'activation de référence par la formule d'Eyring.
    Notons que l'enthalpie libre d'activation de référence n'est pas une grandeur standard car la concentration de référence (1 mol.L-1) ne correspond pas à l'état standard (solution infiniment diluée).
    Prenons l'exemple de la réaction de substitution nucléophile bimoléculaire représentée par le schéma suivant.
    • sur le diagramme I, on a représenté le profil d'enthalpie libre dans le cas où le substrat est un halogénure secondaire ;
    • sur le diagramme II, on a fait de même pour un substrat primaire.
    L'enthalpie libre d'activation est plus petite dans le second cas que dans le premier. La deuxième réaction a une constante de vitesse plus grande que la première.
    Notons que ce type de diagramme ne donne pas d'information directement sur la vitesse de la réaction car celle-ci dépend également des concentrations des réactifs.
    Postulat de Hammond
    La connaissance de l'état de transition et de son énergie lors du déroulement d'une réaction sont naturellement d'un grand intérêt notamment lorsqu'il s'agit de l'étape déterminante d'une réaction
    cinétiquement contrôlée. Malheureusement, un état de transition correspond à une association transitoire d'atomes qui se traduit par un maximum d'énergie. La durée de vie de cette association est tellement courte qu'on ne peut en faire l'étude qu'avec des méthodes très sophistiquées dans des cas peu nombreux. Il est raisonnable d'admettre, dans certains cas du moins, qu'il est possible de ramener l'étude de la structure et de l'énergie d'un état de transition à celle d'une véritable entité chimique pourvu que leurs énergies soient assez proches. C'est l'objet du postulat énoncé par le chimiste américain G. S. Hammond qui peut s'énoncer de la façon suivante :
    Lorsque deux états proches en énergie interviennent successivement sur le chemin d'une réaction, leur interconversion ne nécessite qu'une faible réorganisation de structure.

    Une autre façon de formuler la même idée a été formulée par L. E. Leffler quelques années avant Hammond. Elle consiste à dire :
    L'état de transition ressemble du point de vue de sa structure à l'entité dont l'énergie est la plus proche.
    Etat de transition précoce (faible enthalpie libre d'activation). L'état de transition "ressemble" au réactif Etat de transition tardif (grande enthalpie libre d'activation). L'état de transition "ressemble" au produit.
    Un corollaire direct du postulat de Hammond, implique que tout facteur qui abaisse l'énergie d'une entité abaisse du même coup celle de l'état de transition qui lui est le plus proche. Examinons le cas d'un état de transition tardif, conduisant à un intermédiaire I, par exemple un carbocation. Tout facteur abaissant l'énergie de ce dernier doit entraîner ipso facto un abaissement de l'énergie de l'état de transition antécédent.
    Sous l'influence d'un facteur stabilisant l'intermédiaire I, l'énergie de l'état de transition qui conduit à cet intermédiaire est abaissée.
    Cette propriété fondamentale est utilisée, par exemple, pour rationaliser la cinétique et la régiosélectivité de la bromation des composés aromatiques ainsi que d'autres substitutions électrophiles du même type dans cette série.
    Type de contrôle

    Définitions
    Pour illustrer ces notions nous allons raisonner sur un système particulier. Un réactif A est impliqué dans deux réactions jumelles qui conduisent à des produits notés B et C. On fait l'hypothèse simplificatrice que les réactions directe et inverse sont d'ordre 1. Il s'agit d'étudier l'abondance relative des produits B et C au bout d'une certaine durée de réaction.





    Ce système d'équations peut être simplifié dans deux situations extrêmes.
    Contrôle cinétique
    Au début de la transformation, les concentrations des produits B et C sont beaucoup plus faibles que la concentration de A. Il est possible de faire les approximations suivantes :






    Le rapport des concentrations des produits formés au début de la réaction est égal au rapport des constantes de vitesses. Le produit majoritaire est le produit formé le plus rapidement. On dit que la réaction est sous contrôle cinétique. La proportion des produits formés en cours de réaction fait intervenir la valeur relative des enthalpies libres molaires d'activation.

    Sous contrôle cinétique, le produit le plus abondant est celui qui se forme le plus rapidement.
    Exemples de réactions sous contrôle cinétique :
    Contrôle thermodynamique
    On s'intéresse désormais à une tranformation renversable dans la fenêtre de durée étudiée, c'est à dire qu'elle peut se dérouler dans le sens direct ou dans le sens inverse. Les vitesses des réactions directe et inverse n'étant pas les mêmes la transformation n'est réellement renversable sur une durée pas trop longue que si ces vitesses sont du même ordre de grandeur.





    Le rapport des concentrations des produits formés à la fin dela transformation est égal au rapport des constantes thermodynamiques. On dit que la réaction est sous contrôle thermodynamique. Le produit formé majoritairement à l'état final est le plus stable.
    Sous contrôle thermodynamique, le produit le plus abondant est celui qui est le plus stable.
    Dans le diagramme d'enthalpie libre le produit majoritaire se caractérise par l'enthalpie libre de réaction de référence la plus basse. Exemples de réactions sous contrôle thermodynamique :

    Le type de contrôle peut changer avec la température. Un exemple est celui de la sulfonation du naphtalène :
    • à basse température, la réaction est cinétiquement contrôlée. Le produit le plus abondant est celui qui se forme le plus vite. C'est le a-sulfonaphtalène ;
    • à température plus élevée, un équilibre entre les produits est possible. Le produit le plus abondant est le plus stable. C'est le b-sulfonaphtalène ;
    Acides et bases

    Définition de Lewis

    Un complexe acide-base de Lewis, encore appelé adduit, est le produit de la réaction entre un acide de Lewis et une base de Lewis. Soit une réaction entre un acide de Lewis symbolisé par A et une base de Lewis symbolisée par B conduisant à la formation d'un adduit que nous noterons AB.
    Exemples :
    Définition de Bronsted


    Les méthodes électrochimiques ne permettent de faire des mesures que dans une fenêtre de pKa assez étroite en chimie organique. D'autres méthodes doivent être employées. Le couple menthol-ion mentholate peut être mis à profit pour déterminer les pKa des couples acido-basiques comme alternative aux méthodes électrochimiques car les pouvoirs rotatoires spécifiques de l'alcool et de son sel sont très différents.
    Exemple de composés ayant des propriétés acido-basiques : Acidité cinétique, acidité thermodynamique
    L'acidité cinétique se réfère à la vitesse d'arrachage d'un proton par une base sur un substrat donné. Le tableau suivant, donne pour deux séries d'acides faibles, la constante de vitesse k correspondant à l'arrachement d'un proton par l'eau et la constante d'équilibre Ka de cette réaction.

    Composé
    k (s-1)
    Ka
    CH3COCH3
    4,7.10-10
    10-20
    CH3COCH2Cl
    5,5.10-8
    3,0.10-17
    CH3COCHCl2
    7,3.10-7
    10-15
    CH3CN
    7,0.10-14
    10-25
    (CH2)2CN2
    1,5.10-2
    10-11
    Un autre exemple classique est la formation des énolates par action d'une base sur un composé carbonylé. Superacides
    L'acide le plus fort pouvant exister dans l'eau est l'ion H3O+ (aq). Tout acide intrinsèquement plus fort protone l'eau pour fournir H3O+ (aq). Dans les années 60, R. J. Gillespie a proposé d'appeler superacides des acides plus forts que l'acide sulfurique pur. Naturellement, une telle définition comporte une part d'arbitraire. Pour aller plus loin, il faut définir une nouvelle échelle d'acidité en milieu non aqueux. L'échelle d'acidité la plus connue est celle de Hammett (Hammett et Deyrup 1930). On utilise une base de référence notée B ci-dessous. Hammett utilisait la nitroaniline. Le rapport des activités de BH+ et B est déterminé par des méthodes spectroscopiques (UV, RMN etc.) Dans cette échelle, l'acide sulfurique concentré est caractérisé par une valeur H0 = - 12.



    On voit que H0 généralise la notion de pH dans ce type de milieu.

    Le mélange équimolaire de HSO3F et de SbF5, découvert dans le laboratoire de G. Olah, a été appelé "acide magique" après qu'un chercheur ait observé la dissolution de la paraffine provenant d'un morceau de bougie tombé par hasard dans le mélange
    [40]. Il est caractérisé par : H0 = - 19,2. L'acide fluoroantimonique (HF, SbF5) a une valeur H0 = - 31,3.

    Un tel acide est capable de protoner un hydrocarbure avec formation d'un ion carbonium (I) pentacoordiné puis d'un ion carbénium (II).

    Préparation d'un dérivé du cation norbornyle (Laube 1986)

    Les milieux superacides ne sont pas seulement des curiosités de laboratoire.
    La vinfluvine, un antitumoral, qui fait actuellement l'objet d'essais cliniques, est préparé par fluoration de la vinorelbine en milieu superacide. Le carbocation formé à partir du trichlorométhane arrache un proton du substrat ce qui permet la fixation du fluor.
    Basicité et nucléophilie
    Une propriété importante d'une
    base de Lewis est sa nucléophilie. La nucléophilie d'une espèce est une grandeur permettant la comparaison des vitesses relatives de réactions vis à vis d'un même substrat. Il s'agit donc d'une grandeur cinétique relative permettant de classer les nucléophiles selon la vitesse avec laquelle ils transfèrent leur doublet au substrat. La réaction servant de référence est la suivante.

    Le substrat de référence utilisé est dans chaque cas l'iodométhane. Lorsque le nucléophile est le méthanol, la constante de vitesse k de la réaction est égale à la constante de vitesse de référence kr. La vitesse relative vaut donc 1.
    Nucléophile
    pKa (HX/X-)
    log k/kr
    Vitesse relative
    CH3OH
    -3
    0
    1
    F-
    3,4
    2,7
    500
    Cl-
    -5,7
    4,4
    2,35´104
    Br-
    -7,7
    5,8
    6,0´105
    I-
    -5,2
    7,4
    2,6´107
    Parmi les bases non nucléophiles permettant de promouvoir des éliminations E2 citons les amines tertiaires : DBN, DBU, DABCO.
    Lorsqu'on recherche une plus grande force, on peut faire appel aux amidures.
    Certains nucléophiles possèdent plusieurs points d'attaque. Ainsi, l'ion nitrite peut conduire par substitution nucléophile sur un dérivé halogéné à des dérivés nitro ou nitrito.
    Dureté et mollesse

    Principe HSAB de Pearson
    Le principe HSAB acronyme de Hard Soft Acid Base principle (en français : principe des acides et bases durs et mous) a été introduit par le chimiste américain G. Pearson en 1963. Afin de rationaliser des faits expérimentaux. Cet auteur distingue trois catégories d'acides et de bases de Lewis : les durs (hard), les mous (soft) et une catégorie intermédiaire (borderline).

    On peut l'énoncer de la façon suivante :
    les acides durs ont tendance à s'associer aux bases dures tandis que les acides mous ont tendance à s'associer aux bases molles.
    Il ne s'agit pas à proprement parler d'une théorie mais plutôt d'un concept fédérateur destiné à unifier des faits expérimentaux sans lien apparent. Le cation méthylmercure a souvent été utilisé comme exemple de cation mou tandis que l'ion H+ est un cation dur. La réaction suivante peut alors être utlisée pour établir une échelle de mollesse relative. Si l'équilibre dans lequel la base B est impliquée est déplacé vers la droite il s'agit d'une base molle ; s'il est déplacé vers la gauche il s'agit d'une base dure. Les résultats expérimentaux permettent de dresser un tableau selon les critères ci-dessus :
    • Classification des acides
      durs
      intermédiaires
      mous
      H+, Li+, Na+, K+, Mg2+, Al3+, Ce3+, AlCl3, RCO+
      Fe2+, Co2+, Cu2+, Zn2+, Sn2+, R3C+, SO2
      Cu+, Ag+, Au+, Hg2+,CH3Hg+ , Pd2+, Pt2+, Br+, I+
      Br2, I2, carbènes
    • Classification des bases
      dures
      intermédiaires
      molles
      OH-, RO- , F- , Cl-, AcO-, RO-
      H2O, NH3, ROH, R2O, RNH2
      ArNH2, C5H5N, N3-, Br-
      H-, R-, I- , R3P, C6H6, C2H4, CN-, SCN-, R2S, RSH, RS-, SO32-
    Exemple:
    Le principe HSAB présente le grand intérêt de permettre la prévision de réactions à partir de données purement qualitatives cependant les notions de dureté et de mollesse peuvent recevoir une interprétation plus quantitative.
    La formation du complexe suivant s'interprète par l'interaction entre le composé éthylénique qui est une base molle et Ag+ qui est un acide mou.

    (la formation du
    complexe de Zeise entre l'éthène et le Pt (II) se rationalise de la même façon.) Exemple 1 : CH3HgF est un complexe mou-dur, HSO3- est dur-mou. On observe la réaction :
    Dans l'état final l'acide mou est associé à la base molle, l'acide dur à la base dure. Exemple 2 : l'équilibre suivant est déplacé vers la droite.
    L'ion nitrite est un nucléophile ambident. En effet, il possède deux atomes nucléophiles : l'atome d'azote et l'atome d'oxygène. Sa structure peut être décrite par la méthode de la mésomérie.
    Considérons les réactions de substitutions nucléophiles sur un même dérivé halogéné avec l'ion nitrite comme nucléophile. Dans la réaction (1), l'atome de carbone du dérivé halogéné se comporte comme un site mou ; il réagit avec l'atome d'azote du nitrite.
    Dans la réaction (2), l'ion Ag+ (mou), forme un complexe avec le dérivé halogéné. Il y a développement d'une charge positive sur l'atome de carbone du substrat. La dureté de cet atome augmente car il est plus chargé ;
    L'ion nitrite réagit par l'extrémité oxygénée (dure) pour conduire à un dérivé nitrité.
    Les ion énolate sont des nucléophiles ambidents. L'atome d'oxygène négatif est dur tandis que l'atomede carbone négatif est mou.
    La réaction avec l'iodure de méthyle conduit à une C-alkylation (interaction acide mou-base molle).
    En revanche,avec le chlorure de triméthylsilyle, on obtient une O-alkylation (interaction acide dur-base dure). Cela permet de piéger les énolates sous forme d'éthers d'énols silylés. La mollesse S est définie comme l'inverse de la dureté.


    molécule
    dureté h (eV)
    R2O
    R2CO
    RSH
    R2S
    RNH2
    R2NH
    R3N
    PhNH2
    Py (pyridine)
    RCN
    R3P
    RF
    RCl
    RBr
    RI
    16,2
    18,8
    9,94
    9,87
    14,7
    14,3
    14,0
    12,1
    15,0
    15,9
    9,42
    45,3
    10,9
    9,54
    8,14
    Electronégativité et dureté absolues
    Considérons un atome d'énergie E comportant N électrons, de charge nucléaire Z. On fait l'hypothèse que E est une fonction continue de N. On envisage une variation dN = N- Z du nombre d'électrons. En effectuant un développement limité de E en fonction de N, on obtient :


    Désignons par I l'énergie d'ionisation et par A l'affinité électronique (opposée de l'énergie de fixation électronique).
    On applique les définitions






    En 1961, R. P. Iczkowsky et J. L. Margrave on proposé de définir l'électronégativité absolue d'une entité (atome, molécule, ion) par la relation :

    on voit que l'électronégativité s'exprime par la relation ci-dessous :

    On retrouve une relation qui rappelle la définition de l'électronégativité selon Mulliken mais il faut faire attention que l'électronégativité absolue est une grandeur qui ne caractérise pas en général un seul atome. Il s'agit d'une caractéristique globale de l'entité étudiée :
    La dureté est définie par :
    donc :

    On en déduit une relation entre l'électronégativité absolue et la dureté absolue :

    L'expérience montre que la courbe représentant la fonction énergie du système en fonction de N, a l'allure suivante.

    Plus précisément, elle peut être assimilée localement à un trinôme du second degré au voisinage de N = Z.

    Autrement dit, la courbe qui s'approche le mieux de la courbe expérimentale dessinée plus haut est une portion de parabole. Les coefficients a et b sont des paramètres ajustables qui dépendent du système. Avec cette expression de l'énergie, l'expression de l'électronégativité du système peut être facilement obtenue en dérivant une fois la fonction énergie par rapport à N

    Notons que l'électronégativité dépend de N. L'électronégativité du système sans charge excédentaire est la valeur particulière obtenue pour N = Z. C'est une constante.

    La dureté est obtenue en dérivant deux fois l'énergie. Dans le cadre de ce modèle, c'est une constante.

    L'électronégativité et la dureté du système sont reliées par la formule suivante.

    On note l'analogie entre cette dernière expression et celle d'un potentiel chimique. C'est la raison pour laquelle m = - c est appelé potentiel chimique électronique. Avec ces nouvelles notations, l'énergie du système s'écrit :

    Application à l'étude de l'interaction entre deux groupes d'atomes avec formation d'une liaison
    On s'intéresse à l'interaction entre deux groupes d'atomes A et B avec formation d'une liaison entre A et B dans l'état final. Chaque groupe d'atomes est traité comme un système du type précédent. Tant que l'interaction dure, chaque système est hors d'équilibre. L'évolution va se poursuivre jusqu'à ce que le nouvel ensemble ait atteint un nouvel état d'équilibre.
    Le principe d'égalisation des électronégativités énoncé par Sanderson (1951) consiste à admettre que l'équilibre sera réalisé lorsque les électronégativités des deux fragments seront égales dans la nouvelle entité formée. Avant l'interaction, les électronégativités des fragments A et B valent.

    Au cours de la transformation, l'une va diminuer tandis que l'autre va augmenter.

    La conservation de la charge permet d'écrire.

    A l'équilibre il y a égalité des électronégativités.

    On en déduit :

    • le sens du transfert de charge est donné par le signe de la différence des électronégativités dans l'état initial. Par exemple si :

      la charge partielle de A va augmenter.
    • l'intensité du transfert de charge dépend de la différence d'électronégativité et de la somme des duretés. Le transfert entre deux entités peut donc être important même si la différence d'électronégativité n'est pas très élevée entre-elles, à condition que les espèces aient une faible dureté. Ainsi que le fait remarquer Pearson, la dureté apparaît comme une "résistance" au transfert électronique entre les espèces.
    Toujours dans le cadre du modèle précédent, calculons à présent la variation d'énergie du système constitué de l'ensemble A et B.
    L'énergie du sous-système A s'écrit :

    de même celle de B

    La variation d'énergie du système est la différence :

    En utilisant la relation établie plus haut :

    on obtient finalement :

    On voit que cette variation d'énergie est négative, ce qui signifie que l'énergie du système a diminué. L'abaissement d'énergie est d'autant plus grand que la différence d'électronégativité est élevée. Mais même si la différence d'électronégativité est faible, l'abaissement d'énergie peut être conséquent s'il implique des espèces de faible dureté. Les résultats précédents peuvent être généralisés dans le cadre d'une théorie beaucoup plus générale : la théorie de la fonctionnelle de densité (DFT).
    Théorie HSAB et méthode des perturbations
    En 1968, Klopman a généralisé et interprété le principe HSAB dans le cadre de l'approximation des
    orbitales frontières.

    Le théorème de Koopmans relie l'énergie des orbitales moléculaires (dans l'approximation de Hartree-Fock) à l'opposé de l'énergie d'ionisation correspondant à l'arrachement de l'électron occupant cette orbitale. Dans le cadre de cette approximation, les énergies des orbitales frontières sont respectivement :

    Notons que l'approximation est généralement bonne pour l'énergie d'ionisation mais beaucoup moins pour l'affinité électronique. Si l'on revient aux résultats obtenus plus haut pour l'électronégativité et la dureté :

    Un calcul très simple permet alors de relier les énergies des orbitales frontières.

    On voit que l'écart énergétique entre HO et BV est directement relié à la dureté.

    Le diagramme énergétique ci-dessous résume la discussion précédente.

    • Une entité dure est caractérisée par une différence d'énergie entre HO et BV élevée :
    • une entité molle est caractérisée par une différence d'énergie entre HO et BV faible.
    L'exemple suivant concerne les molécules d'éthène C2H4 et d'éthyne C2H2. La seconde est plus dure que la première ce qui s'explique par un recouvrement plus important (liaison plus courte) et augmente la séparation énergétique entre les niveaux p et p*.

    L'électronégativité et la dureté de molécules insaturées simples et de molécules conjuguées peuvent être calculées de façon approchée au moyen de la méthode de Hückel simple.
    Dans le cas de l'éthène les énergies des orbitales frontières sont respectivement :

    Donc :

    Dans ce nouveau cadre, on peut mettre en relation :
    • les interactions sous contrôle orbitalaire correspondent à des interactions entre une base de Lewis et un acide de Lewis pour lesquels la différence d'énergie entre HO et BV est faible. Il s'agit d'intercation entre partenaires mous ;
    • le contrôle de charge implique des acides et des bases de Lewis chargés, de petite taille, peu polarisables. Ces espèces recoivent le qualificatif de dures.
    Les propriétés suivantes permettent de classer un acide et une base de Lewis dans l'une ou l'autre des catégories.
    acides durs (électrophiles)
    acides mous (électrophiles)
    • petit rayon ;
    • charge positive élevée ;
    • pas de paire électronique non partagée dans la couche de valence ;
    • faible affinité électronique ;
    • faible polarisabilité ;
    • grande électronégativité ;
    • énergie de la BV élevée.
    • rayon élevé ;
    • charge positive faible ou partielle ;
    • présence d'électrons non liants dans la couche de valence ;
    • grande polarisabilité ;
    • faible électronégativité ;
    • énergie de la BV faible, mais coefficients des AO dans la BV élevés.
    bases dures (nucléophiles)
    bases molles (nucléophiles)
    • petit rayon, électronégativité élevée : 3,0-4,0 ;
    • faiblement polarisable ;
    • difficile à oxyder ;
    • HO de basse énergie.
    • grand rayon, électronégativité faible ;
    • grande polarisabilité, oxydation facile ;
    • HO d'énergie élevée.
    Bibliographie
    Ouvrages théoriques
    [1] F. A. Carey, R. S. Sunberg - Advanced Organic Chemistry, Plenum Press 1990
    [2] J. -L. Rivail - Eléments de chimie quantique à l'usage des chimistes, InterEditions du CNRS, 1989.
    [3] Atkins, P.W. in Physical Chemistry(Oxford University Press, Oxford, 1986)
    [4] P. Atkins - Molecular Quantum Mechanics, Oxford University Press (1983)
    [5] N. T. Ahn - Introduction à la chimie moléculaire, Ellipses 1994.
    [6] V. Minkine - Théorie de la structure moléculaire, Editions Mir (1979)
    [7] Ian Fleming, Frontier Orbitals and Organic Chemical Reactions, J.Wiley & Sons (1976)
    Olah G. A., Prakash G. K. S., Sommer J., Superacids, Wiley Interscience, New York, 1985.

    Liens
    [20] Eléments de chimie quantique
    [21] Orbitales frontières, cycloadditions Cours (particulièrement clair) de L. Grimaud, ENSTA.
    [22] Introduction à la chimie moléculaire par les orbitales frontières Pascal le Floch, Ecole Poytechnique
    Hammond Postulate (goldbook, IUPAC)
    Cours d'atomistique du prof. Chaquin, Univ. P et M. Curie
    Cours d'atomistique du prof. Silvi, Univ. P et M. Curie
    Tableau des pKa des principaux couples acidobasiques (solvant DMSO)
    Hyperconjugation by Alan B. Northrup
    Gold Book, IUPAC
    Equation de Hammett
    George A. Olah The Nobel Prize in Chemistry 1994
    Cationic rearrangement Prof. Reusch, Michigan State University
    Cours de R. Breinbauer.
    Adamentane by Paul von R. Schleyer, M. M. Donaldson, R. D. Nicholas, and C. Cupas
    HSAB principle hemogenesis, Mark R. Leach
    Cours de chimie théorique Caltech Library Service
    Utilisation de la méthode des orbitales frontières L. Barriault, Université d'Ottawa
    Utilisation de méthodes quantiques semi-empiriques Alain Rochefort, Ecole polytechnique de Montréal
    Articles
    Hoffmann, R. An Extended Hückel Theory. I. Hydrocarbons. J. Chem. Phys 1963, 39, 1397-1412 (article original : méthode de Hückel étendue)
    Fukui K., Yonezawa T., Shingu H., J. Chem. Phys., 1952, 20, 722 (article original de Fukui)
    Hammond, G. S. A Correlation of Reaction Rates. J. Am. Chem. Soc. 1955, 77, 334-338. (exposition des bases du postulat de Hammond)
    Leffler, J. E. Parameters for the Description of Transition States., Science, 1952, 117, 340-341.
    The use and. misuse of the Hammond Postulate, D. Fârcasiu, J. Chem. Educ., 1975, 52, 76.
    J. Dellacherie, J.-F. Foucaut et G. Scacchi, l'Actualité chimique, septembre 1980, p. 35-40. (précisions sur la théorie de l'état de transition notamment à propos des états de référence)
    J. Dellacherie, J.-F. Foucaut et G. Scacchi, Bulletin de l'Union des Physiciens, juin 1981, N° 635 p. 1235-1245. (version simplifiée de l'article précédent)
    W. S. Johnson, J. Am. Chem. Soc., 97, 4777, 1975.
    R. G. Pearson, 85, 3533-3543, 1963.(exposition des bases du principe HSAB)
    R. G. Pearson, Science, 151, 172-177, 1966. (vulgarisation du concept HSAB)
    R. G. Pearson, J. Chem. Ed., 45, 581-587, 1968. (idem)
    G. Klopman, J. Am. Chem. Soc., 90, 223-234, 1968. (interprétation du concept HSAB en terme d'orbitales frontières au moyen de la formule de Klopman)
    Iczkowsky, R. P ; Margrave, J. L. J. Am. Chem. Soc. 1961, 83, 3547. (une définition de l'électronégativité selon Iczkowsky)
    Komorowski, L., J. Chem. Phys., 1987, 114. 55-71. (tableau des duretés d'atomes au sein des molécules)
    [40] G. A. Olah, G. K. Surya Prakash, Alain Goeppert, Fluorinated superacidic systems, l'Actualité chimique, octobre-novembre 2006- n° 301-302 (définition et application des milieux superacides)
    Robert G. Parr and Ralph G. Pearson (1983). "Absolute hardness: companion parameter to absolute electronegativity". J. Am. Chem. Soc. 105 (26). (définition de la dureté).
    J.-P. Foulon, Quelques idées sur la basicité et la nucléophilie, Bulletin de l'Union des Physiciens, novembre 1982, N° 648 p. 143-161.
    M. Julia, Intermédiaires réactifs en chimie organique : les carbocations Bulletin de l'Union des Physiciens, mai 1974, N° 648 p. 897-921.
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